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Journal du confinement : jour 3 "De la vie au milieu des incertitudes"


MV le Jeudi 19 Mars 2020 à 19:45

Le coronavirus est rentré dans nos vie en basculant nos habitudes et en bouleversant nos vies. C'est un moment difficile pour les Corses : on doit continuer à vivre ensemble mais physiquement séparés.

"Le Journal du confinement" est la nouvelle rubrique que CNI à crée pour vous faire raconter chaque jour vos journées confinées.

Catherine, enceinte de 5 mois, vit son confinement à Albitreccia et elle nous décrit toutes les nuances de son quotidien.



Nous étions déjà confinés ou semi-confinés à Ajaccio depuis lundi 9 mars, quand les établissements scolaires ont fermé. Je suis prof de biotechnologies SE, Maman de 2 grandes ados de 12 et bientôt 14 ans mais dont le papa a la garde sur Bastia (choix pour leur bien-être, ce qui ne nous empêche pas les sentiments et la communication) et je suis enceinte de 5 mois passés.
Avec mon compagnon on a décidé de vivre dans la maison de sa grand-mère, au village au-dessus d'Albitreccia, un peu plus de 600 mètres d'altitude et entre 30 et 50 habitants selon les saisons.
 
Le temps au village déjà passe à la base de façon différente et le calme domine, ces temps-ci encore plus car il y a encore moins de voitures sur la route qui traverse le village de part et d'autre. La journée passe ponctuée de bruits d'animaux et de quelques bruits d'enfants du village avec leurs parents qui font une balade non loin de leur maison, quelques maîtres avec leur chien aussi en promenade. Les gens respectent le confinement, discutent en laissant la distance, certains échangent des légumes, d'autres proposent d'aider les personnes âgées et fragiles pour leurs courses.
Je me lève vers 7h30-8h30, je m'occupe d'abord des animaux domestiques -2 chats bien sympathiques mais parfois un peu concons-, je prends le temps d'un petit-déjeuner puis je me connecte, quand le réseau capricieux m'en laisse l'opportunité, pour avoir des nouvelles de ceux que j'apprécie, quelques nouvelles du « monde » aussi et voir si mes élèves se sont connectés et ont rendu les devoirs demandés, vérification des mails également. Lenteur de réseau, je corrige mes copies, réponds aux messages, le téléphone sonne, collègues qui ont besoin d'aide aussi (oui j'aide volontiers car beaucoup n'arrivent pas à se connecter et/ou ont du mal avec les outils numériques)... Quelques messages positifs d'élèves et de parents qui font du bien comme ce matin, les anciens élèves aussi qui prennent des nouvelles, çà fait chaud au coeur. La matinée se passe, je prépare des documents pour les prochains cours, je les programme.
 
Il fait beau dehors, petits oiseaux qui gazouillent, l'âne du voisin dans le champs en face se fait entendre, il a, lui et ses camarades chevaux, la visite d'enfants du village avec leurs parents avec sans doute quelques quignons de pain. Je sors à la porte, mes chats me rejoignent et là je vois de nouvelles roses écloses, dans tout ce tumulte le printemps semble quelque part être encore plus beau.
 
Je traîne sur les vidéos et sites de cuisine, surtout italiens, bon sang ne saurait mentir, je mets des recettes de côté, j'en partage d'autres, les miennes et celles que je trouve aussi bien avec mes élèves et que sur les réseaux sociaux. L'heure du repas approche même si ces derniers temps elle est plus flexible, les courses ont été faites, les plus importantes il y a 15 jours et un peu de frais une fois par semaine, ce n'est pas moi qui m'en charge mais mon compagnon avec ma liste, faisant partie des personnes à risque je ne descends quasiment plus.

Je prends le temps de cuisiner encore plus, j'ai toujours aimé le faire, ma fille aînée me manque (la petite aussi), elle aurait aimé être là en cuisine avec moi, elle se débrouille déjà très bien. Plats simples mais savoureux, gourmands et on équilibre (déformation professionnelle , de base je suis diététicienne). Prendre le temps ensuite d'un café au soleil en saluant les quelques voisins qui passent devant la maison, le temps de prendre des nouvelles des uns et des autres, de faire connaissance aussi avec certains que nous ne connaissions pas ou peu.
 
Le mot d'ordre est adaptation
La maison est propre, elle aussi sent le printemps, le climat est étrange, je ne dirai pas insouciant mais hors du temps et la gestion des contraintes est différente, le mot d'ordre est adaptation. On en profite pour ranger, trier les documents, le linge, retrouver des souvenirs et en parler. 
 
Il plane néanmoins une incertitude
Combien de temps ? Combien de nouveaux malades seront annoncés ce soir ? Combien de familles dans la peine ? On reste optimistes mais une crainte de ce que sera demain reste et est bien perceptible dans les discussions, entre inconscients et affolés, on tente de trouver un équilibre, de rassurer, de nous rassurer aussi. Etant scientifique de formation je m'informe mais sans tomber dans les excès, en vérifiant les sources et je reste perplexe devant certains partages en dépit du bon sens qui accentuent les peurs des gens et les mouvements de foule.
 
Cet après-midi, les chats endormis près de moi, de la musique en fond sonore, je continuerai mes échanges online et téléphoniques avec mes collègues et mes élèves, l'un d'eux est même à l'entrée de mon village, autant il passera en se promenant, en gardant ses distances, s'il a besoin d'explications ou juste de discuter. Famille, amis, quelques appels et messages, des petits mots avec mes filles, qui ce soir demanderont sans doute de l'aide pour certains devoirs en visio. Des légumes donnés par la voisine, des préparations faites par moi en retour pour eux, un certain sens du partage retrouvé.
 
Tâches ménagères, les infos régionales et nationales du soir, dîner en tête à tête, un peu de lecture ou un petit film ou vidéo, la soirée passera en pensant à la prochaine journée et à ce qui devra être fait et ce que nous aimerions faire.
Il me reste quelques masques si besoin mais vu que nous ne toussons pas, ni n'avons de symptômes, ils ne seront pas utiles pour le moment, je les descendrai peut-être à mon médecin lors du prochain rendez-vous pour vérifier que le bébé lui continue de bien pousser, en tous cas lui il bouge et s'anime, il est bien présent. De la vie au milieu des incertitudes.